Jeudi 18 avril
Bil'in - Kamar, Bassem.
Départ vers 10h15, juste à côté des
Franciscaines, par le bus direct Ramallah. Lente traversée du
check-point de Qalandia, pour passer en Cisjordanie ; la voie se
rétrécie de plus en plus, d'année en année, autour d'un énorme
rond-point poussiéreux implanté là pour créer un maximum
d'encombrements.
Beaucoup de militaires... En avançant
vers Ramallah, nous comprenons : des jeunes courent à travers
les voitures, des pierres à la main et les balancent sur les soldats
par dessus les véhicules. Une passagère du car crie en arabe, puis
se cache derrière le dossier du siège de devant lorsqu'un des
jeunes lance ses pierres devant le parebrise du car mais en hauteur.
Impressionnant effectivement. Sur le trottoir un soldat s'agenouille
derrière un petit mur et ajuste son fusil : il ne tirera pas.
Pendant ce temps, les voitures continuent à avancer, les gens sur le
pas des boutiques observent ce qui se passe. Des enfants d'à peine
10 ans sont de la partie, ils courent un peu dans tous les sens. Le
camp de réfugiés de Qalandia est à deux pas.
Bassem et Kamar nous diront que c'est
quasiment tous les jours comme ça à Qalandia et que l'armée
israélienne rentre de plus en plus souvent en Cisjordanie, dans
Ramallah notamment, effectue des raids la nuit ; pendant ce
temps là, les forces de sécurité palestiniennes ne bougent pas le
petit doigt. Les accords d'Oslo sont bien loin dans lesquels il était
précisé que la zone A était administrée totalement par l'Autorité
Palestinienne.
Compte tenu de ces évènements, les
cars habituels directs Jérusalem ne circuleront pas le soir pour le
retour. Nous prendrons un taxi-service (mini-bus) jusqu'au
check-point que nous traverserons à pied ; puis un autre car de
l'autre côté du mur pour rentrer à Jérusalem.
Bil'in: (Plus de deux heures pour
faire 30 kms.) Joie et plaisir de revoir nos amis
Kamar et Bassem, et leur quatre garçons dont les deux ainés sont
des hommes maintenant. Que de progrès en anglais, Kamar ! Nous
passons l'après-midi à bavarder avec elle en attendant que Bassem
revienne de son travail en tant que plâtrier à Ramallah. On évoque
les souvenirs, la famille, les amis et connaissances communs... Elle
nous montre l'évolution de son atelier de broderie palestinienne où
elle entrepose, en plus, tout un tas de choses qu'elle achète et
revend. Un revenu complémentaire, surtout que Bassem est resté six
mois sans travail et qu'elle devait, seule, faire bouillir la
marmite. Plusieurs dames viendront la voir dans l'après-midi soit
pour la broderie soit pour acheter quelque ustensile ;
"Business, business.." nous dit-elle en s'excusant. Café
(turque) puis thé, petits gâteaux. La maison s'est rehaussée d'un
étage destiné à l'ainé, Mohammed, qui travaille lui aussi à
Ramallah, chez Reanult. Pour l'instant le gros œuvre est fini ;
tous les trois mois, dès qu'un peu d'argent est mis de côté, ils
lancent une petite tranche supplémentaire de travaux. Le jardin est
planté d'oliviers qui ont magnifiquement poussé, notamment cette
année particulièrement pluvieuse.
16h30 Bassem est de retour. Que
d'émotions à nouveau ! Nous parlons de ce que nous souhaitons
faire pendant ces trois mois en Palestine. Kamar et Bassem nous
proposent de contacter une amie palestinienne d'Israël, l'appellent,
me tendent le téléphone pour avoir une première conversation avec
elle : D'accord pour se voir la semaine prochaine. Kamar apporte deux grand plats du
traditionnel makloubé; il est accompagné de feuilles de vigne et de
courgettes farcies... : un régal. Nous le dégustons avec les
enfants autour de la table.
Trop tard pour aller "au jardin",
comme ils disent : un lopin de terre qu'ils entretiennent près
du mur de la honte qui a confisqué une bonne partie des terres de
Bil'in et notamment un champ d'olivier que la famille de Bassem
possédait et que l'on voit encore de l'autre côté. Derrière ce
mur de 8 mètres de haut, une énorme ville nouvelle champignon, une
colonie : Modi'in 'Illit.
Hier, 17 avril, dixième anniversaire
de la mort de Phil (Bassem Abu Ramah), 30 ans, grand figure de la
résistance pacifique auprès des jeunes de Bil'in, assassiné
par l'armée israélienne alors qu'il courrait le long de la barrière
de sécurité (il n'y avait pas de mur à l'époque) un cerf-volant
aux couleurs de la paix à la main lors de la manifestation pacifique hebdomadaire du vendredi.
