Mercredi 22 mai

9h30, dans le jardin de l'Association Alsebat de Khaled Awad. Il fait déjà bien chaud à l'ombre des citronniers et pamplemoussiers. Autour d'un kawa, je commence par lui parler de notre visite à Lajjun. Khaled s'absente quelques instants et rapporte un plan du village daté de 1948 sur lequel est listé à gauche le nom de toutes les familles qui y habitaient réparties en trois grands clans. Quelques photos d'époque entourent la page. "Ici, le cimetière, ici l'école, la mosquée, la route qui mène d'un côté à Haïfa de l'autre à Jenin" montre Khaled sur le plan.

Notre discussion s'engage sur l'urbanisme.

Israël n'autorise aucune création de nouvelles villes pour les israéliens arabes, comme elle le fait par contre pour les juifs comme à Nazareth Illit où vivent tout de même 20% d'israéliens arabes, précise-t-il.

"L'extension des villages existants est autorisée, vous l'avez vue à Sha'av, mais les juifs créent de nouveaux villages tout autour, sur les hauteurs; nous, nous n'avons pas le droit."

Effectivement, un nouveau quartier de Sha'av est en construction : essentiellement de nouvelles villas qui paraissent toutes plus luxueuses les unes que les autres.

A Acre, me dit-il, Israël cherche à s'emparer de la vieille ville. Ils ont fusionné deux villes palestiniennes Judeidi et Makr situées à 10kms à l'est d'Acre ; sa population actuelle est de 20 000 habitants. Israël propose aux habitants de la vieille ville d'Acre d'échanger leur maison avec une plus moderne de Judeidi-Makr. Le plan Givat Tantour qui prévoit de porter la population de Judeidi-Makr à 100 000 habitants, vise à empêcher les israéliens arabes de s'installer dans des villes à majorité juive.

Deux de ses amis passent la porte et ils s'engagent tous les trois dans des échanges en arabe. Khaled me dit de lui-même qu'ils sont en train de parler de la violence qui devient de plus en plus présente à Nazareth. Violence entre israéliens arabes. "Mais d'où pensez-vous que viennent ces armes avec lesquelles ils s'entretuent ? il n'y a que les israéliens juifs qui peuvent leur fournir." (Nous avons déjà entendu ce discours dans les camps de réfugiés de Cisjordanie à propos de la drogue).

Le taux de chômage est de 4% en Israël!!! Mais 52% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Un article du Times of Israël du 2 janvier 2019 annonce "2 300 000 Israéliens" vivent sous le seuil de pauvreté selon l'ONG Latet, ce qui fait 26%, soit le quart et non la moitié. Mais c'est tout de même énorme avec un chômage affiché de 4%. Les salaires ne doivent pas être bien lourds pour certains et les dépenses sociales de l'"état" réduites à la portion congrue.

Nous parlons ensuite de notre séjour à Hébron ; en comparaison de l'immense foule réunie pour la commémoration de la Nakba à Kubbeizi, à peine une trentaine de personnes s'est rassemblée le 15 mai pour la même occasion en plein centre d'Hébron ; (à Ramallah, ils n'étaient pas très nombreux non plus, nous a dit Najet hier). J'avance que les Palestiniens de Cisjordanie doivent être usés depuis ces années de luttes qui n'offrent aucune perspective. Khaled, lui, parle d'absence de leaders (ils sont en prison), d'absence d'idéologie dans les partis politiques ; Oslo a transformé ces partis, le Fatah principalement, en Ong, en associations. La résistance populaire, c'est fini.

Il précise de lui-même que le sommet de Trump, prévu fin juin à Barhein risque de mettre le feu aux poudres en Cisjordanie et à Gaza, peut-être bien en Palestine 48 également.

Nous abordons avec Khaled le sujet principal de ma visite : Comment éventuellement le soutenir pour traduire ses livres et l'aider à continuer l'écriture de son encyclopédie des principales villes de Palestine avant 1948.