Direction sud ouest par un chemin de terre partant de la route qui nous a menés au Tel ; aucune indication, nous essayons; après 100 mètres de champs de blé, nous entrons dans une petite forêt, garons la voiture. Une source d'eau en contre bas. Trois personnes se promènent tranquillement. Barrière de la langue... "Lajjun ?", ils comprennent immédiatement : "Nem" - oui – et montrent du doigt que nous y sommes bien. Nous nous enfonçons au milieu d'une végétation de grands arbres, eucalyptus principalement. Un ruisseau s'écoule tranquillement au milieu d'un grand espace plat sous les feuillages. Très peu de murs ou de pierres d'éventuelles maisons détruites sauf deux ou trois bâtisses éventrées en parpaings. Trois jeunes gens se promènent également. "Do you speak english ?" - "Of course" avec un grand sourire. Bien sûr nous sommes à Lajjun. "Nos grands parents vivaient ici avant 1948, la maison de ma grand-mère était à peu près là. Elle a 95 ans aujourd'hui. Elle peut vous raconter, nous traduirons. Mon père connaît bien le sujet, il est passé la semaine dernière à la télévision où il explique les différents lieux du village". Et de me montrer sur son téléphone l'émission où l'on voit le père se promenant dans la forêt dans laquelle nous sommes, s'exprimant en arabe avec des gestes d'indication de direction. Nous leur expliquons ce que nous essayons de faire en Palestine 48. "Nous venons en famille tous les vendredi ici. Venez vendredi prochain, nous pourrons discuter. Et nous vous invitons le soir à l'Iftar à Um Al Farhm". Ils ont tous les trois 19 ans, on leur en donnerait 30. "On a de l'expérience". Jawad a déjà beaucoup voyagé (Espagne, Allemagne, France) ; il travaille dans une société israélienne qui vend de l'acier pour le bâtiment. Mohamed travaille dans l'informatique mais poursuit ses études. Ils sont prêts à nous parler de leur vie à Um Al Farhm. "On reste en contact".

Il n'en reste pas moins vrai que ce site archéologique situé à 500m apparaît comme une obscénité en regard de ce lieu où vivait toute une population il y a à peine 70 ans et que l'état d'Israël cherche à effacer de la mémoire.

Le kibboutz Gal'Ed où vit l'homme rencontré à Kubbeizi lors de la 22ème Marche du Retour n'est pas très loin de Lajjun. Nous ne lui avons malheureusement pas demandé ses coordonnées à ce moment là mais nous possédons sa photo puisqu'il avait bien voulu répondre à nos questions. Osons forcer un peu les choses et nous espérons pouvoir le retrouver à Gal'Ed afin d'en savoir davantage sur ce qu'il pense de la situation, sur sa façon de vivre etc.. La "concierge" à l'entrée dans sa maisonnette-guérite lève la barrière ; son mari ouvre la porte après mon coup de sonnette. Quelques explications sans dire où nous avons rencontré cet homme sur la photo. "Ah ! Ok, c'est Levi Berlinguer" (noms modifiés)" Et de l'appeler "Allo ! Levi" pour lui faire part de notre visite. Il me passe le téléphone. Surpris bien sûr, mais très accueillant. Il se souvient de nous. Il s'excuse de ne pouvoir nous recevoir maintenant ni venir à l'accueil, il sort de sa douche, il est un peu tard. Il me demande tout de même si je travaille pour un média, un journal. Non à titre personnel, comme amateur au niveau vidéo, mais "activist" (militant) pour la cause palestinienne et les droits de l'homme. Je lui propose de lui envoyer l'adresse de mon site web pour qu'il se rende compte, s'il veut bien me donner son adresse mail par sms. "Ok, on reste en contact de toute façon." Le sms arrive quelques minutes plus tard sur la route du retour à Nazareth. Le soir même dans un message, je lui explique de façon plus détaillée notre projet et lui propose des dates éventuelles de rencontre.

Réponse cordiale le lendemain, avec une info sur la sortie de prison le 28 mai d'un député arabe israélien du parti Balad, Basel Ghattaz, après deux ans de détention. Cet ancien député habite à proximité de Nazareth!!! Mais point de date de rendez-vous. "Get in touch". A suivre...