Tantura, village de pêcheurs palestiniens, à 25 kms au sud de Haïfa, fait partie des 530 villages détruits répertoriés par Walid Khalidi; il ne reste qu'une seule maison. Même les restes d'une forteresse transformée en musée dont notre livre montre une photo prise en 1987 ne sont plus là.

Situation magnifique en bord de mer, deux petits lotissements accueillent les vacanciers; l'hotel Nahsholim, de grand luxe apparent, propose également ses services. Trois postes de surveillance de baignade sont installés sur une plage de sable fin sur laquelle de multiples petites paillotes donnent de l'ombre pour le pique-nique. Un peu comme sur les plages aux alentours de Nice, l'accès est protégé par des grillages renforcés et se fait par une petite porte. L'entrée est gratuite. Un vieux panneau indicateur abandonné mentionne "Mizgaga - Musée archéologique et de la verrerie", introuvable...

1500 palestiniens vivaient dans cette crique en 1945. Tous les habitants sont expulsés en mai 48. Un massacre a sans doute lieu à Tantura, perpétré par la Brigade Alexandroni de la Haganah. Un chiffre de 70 palestiniens dont plusieurs civils est avancé. Ilan Pappé, historien israélien, soutient la thèse controversée de Teddy Katz, militant israélien de Gush Shalom, qui parle de 200 à 250 palestiniens massacrés.

Un mois plus tard, des immigrants sionistes américains et polonais construisent le kibboutz Nachsholim sur les terres de Tantura, au nord-est du village. En 1949, ce sont des immigrants sionistes grecs qui créeront Dor, une colonie à l'est, toujours sur les terres de Tantura.

Comme souvent, un site archéologique est mis au jour et entretenu, à 300 mètres de Tantura en longeant la plage, à la pointe de la crique : "Welcome ! Ancienne cité de Dor, qui a atteint son apogée lors de la période de Premier Temple et au cours des époques hellenistique et romaine - Réserve naturelle et Parc National de Tel Dor. Enjoy your visit !"

Quant à Tantura, pas un mot, étouffé, effacé...

Ijzim, le village de la famille de Marwan ; Marwan habite Jenin et s'occupe du Centre de handicap (Voir le 23 et 27 avril). Ijzim se trouve à l'intérieur des terres à une dizaine de kilomètres de Tantura sur une des nombreuses collines. En 1945, 3000 habitants. Ijzim n'existe plus, le kibboutz Kerem Maharal s'est construit dessus sans vergogne. Mais les panneaux indicateurs sont en hébreu ; un doute persiste sur le lieu où nous nous trouvons. Un kibboutz, ça c'est sûr, mais Kerem Maharal ? Une jeune femme sur le bord du trottoir nous renseigne avec un large sourire: "Oui, vous êtes bien à Kerem Maharal !" Je lui demande : "Vous savez où se trouve Ijzim ?". Le visage se ferme, réfléchit puis "Non, je ne sais pas, ça me dit quelque chose, mais vous devez mal prononcer". Merci. Nous continuons en voiture la découverte et, stupeur, sous nos yeux la photo de notre livre mentionnant "Mosquée du village" : trois dômes en béton, imposante mais délabrée, cernée de ronces et de lierres. Nous garons la voiture un peu plus haut. En redescendant vers la mosquée, derrière une jolie haie, un petit parc: au milieu "The Castle". Un très beau "manoir", parfaitement restauré, une entrée sous arcades en ogive, piscine à l'arrière. "Pouvons-nous prendre quelques photos de l'extérieur?". "Bien entendu" nous répond l’hôtesse. Quelques minutes plus tard, un homme d'une cinquantaine d'années nous attend à l'ombre de l'entrée. "Ce château est magnifique. Pouvez-vous nous expliquer son origine ? - Il date du 11ème siècle, la période des croisés ; c'est aujourd'hui une demeure privée et nous recevons comme un hôtel – Le village s'appelait Ijzim, auparavant... – Icsim" rectifie-t-il (effectivement je prononce mal). Il paraît alors crispé, très mal à l'aise. "Tout cet endroit s'appelait Icsim" désignant d'un grand geste tout ce qui l'entoure. Nous n'aurons pas un mot de plus. Seulement un "Bye"; il s'assied et signifie que la conversation a assez duré. Éberlués, abasourdis, colère rentrée... Non seulement, ils ont tout rasé, expulsé, massacré, effacé l'histoire, caché les faits, maquillé mais ils utilisent et transforment les biens d'autrui à leur profit, effrontément, sans honte, sans scrupule : Quel cynisme, quelle insolence ! Si cet homme se réfère aux croisés, il connaît pertinemment l'histoire récente de ces 80 dernières années.

Le site Gites.fr présente "The Castle" ici:https://www.gites.fr/gites_the-castle_kerem-maharal_h1276077.htm. Je vous laisse découvrir sa description après les photos. Elle se termine par : "Résidant sur place, les propriétaires de la résidence the Castle pourront vous fournir des informations sur les sites touristiques et vous aider à organiser vos déplacements." (Si vous souhaitez réserver une nuit, le tarif s'élève à 866€). Boycott, Désinvestissement, Sanctions..

Walid Khalidi sous-titre une photo d'Ijzim prise en 1987: "Une maison de l'ancien village". Plus de trente ans... On y voit une belle demeure isolée, peu entretenue, une quasi absence de végétation. A y regarder de plus près, il s'agit bien de ce honteux "castle".

A la mosquée 100m plus bas, une petite grille non fermée à clef permet d'entrer dans le bout d'un jardin d'une petite villa jouxtant la ruine ; abandonnée au fond d'un jardin ! Quelle tristesse à nouveau !

Notre même source nous apprend que l'école a été transformée en synagogue. Elle est encore là. Par contre nous ne verrons ni le café devenu bureau de poste, ni le Diwan (Maison du peuple, de rencontre) déguisé en musée.

En déambulant dans le kibboutz, plusieurs maisons restaurées et habitées semblent dater d'avant 1948. L'une d'elle, toute moderne, s’arque-boute sur un gros et long mur de pierre ancien...

Nous comptons sur Marwan et l'histoire de sa famille pour approfondir cette première approche d'Ijzim, avec un J et un Z.

Ps : Le même site Gites.fr propose à Dor, sur le lieu même du massacre de Tantura, "un emplacement privilégié, paisible, pied à terre idéal avec un accès direct à la plage". https://www.gites.fr/gites_dor-country-lodging_dor_h1275973.htm